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LA DOUBLE HÉLICE DE
LA CIVILISATION et DU DEVENIR

Résumé d’une conférence d’André de Peretti,
Douvres-la-Délivrande, Espace Khaïré, 2009


 

 « La Mathématique ne peut être écrite tout entière »
(Nicolas Bourbaki)

André de Peretti revient parmi nous, après sa Cantate au Cosmos (octobre 2009) et ses conférences sur Louis Massignon, Carl Rogers et Pierre Teilhard de Chardin – qu’il a tous rencontré – pour évoquer quelques pensées originales sur ce XXIème siècle commençant.
Il débute par cette citation de Bourbaki1, pour nous dire que son propos, pouvant paraître démesuré ou très ambitieux, doit être au contraire entendu sous le signe de la modestie. Il ne prétend pas refaire le monde, mais propose une réflexion sur sa marche. En cinq points.

1. MOTIVATIONS PERSONNELLES

La double hélice c’est un symbole ! Cette formule évoque immanquablement l’ADN, hypermolécule du support matériel de l’information génétique de tout être vivant, justement constituée d’une double hélice, et fort célèbre depuis la découverte de J. Watson et F. Crick (1953). A. de Peretti emploie ce symbole parce que, comme les deux brins intriqués de l’ADN, il est lui-même porté par la dualité, dit-il. Ses écrits sont littéraires ou « informatifs » ; il est porté par l’amour impliqué de la Vie et celui, détaché, de la Science (il est polytechnicien) ; son action (envers le Servie Public) et sa réflexion sont complémentaires ; sa pensée interdisciplinaire rencontre celles d’Edgar Morin (notamment le t. 5 de La Méthode) et de Teilhard de Chardin ; c’est une méditation personnelle qu’il nous livre ici, sur les brins d’une « guirlande éternelle », un peu à la manière de Douglas Hofstadter : scientifique, musicale et picturale. Ces motivations se répondent les unes aux autres comme l’intégration de deux mouvements complémentaires, à l’image de certaines gravures d’Escher (les deux mains qui se dessinent l’une l’autre).

2. LES DEUX HÉLICES : Civilisation et devenir

Symbole dynamique et dia-logique, l’hélice donne mouvement et direction par son axe. Ici, Civilisation et devenir sont deux facettes de l’humanité en progrès, les brins de son expansion. Comme avec l’ADN il y a croissance et concentration… par efflorescence. Mais s’il y existe des effets négatifs – les crises et  guerres sont ses « entropies » – à la civilisation, elle exerce aussi un couplage total avec le devenir. Comme nous sommes impliqués dans le devenir par la civilisation, il faut donc nécessairement nous approprier ses « excrétions », comme Georges Bataille philosophiquement.

3. LE COUPLAGE

Civilisation et devenir sont en relation avec le Réel et l’Histoire, comme l’ont bien montré tant d’auteurs. Auguste Comte décrit les régimes historiques en les couplant à des « états » de plus en plus avancés (selon lui) de civilisation ; Lewis Mumford évoque les âges éo, paléo puis néotechniques ; Karl Marx voit un mouvement général de l’Histoire à travers divers stades caractéristiques ; Ilya Prigogine parle de l’ancienne et de la nouvelle Alliance avec la Nature ; Carl Sagan suppose l’existence de stades d’évolution cosmique pour divers types de civilisations de chaque galaxie.
Ce couplage provient des lignes génératrices de l’hélice – des référentiels einsteiniens aux données immédiates de la conscience bergsoniennes. Ces « lignes » sont les relations ou échanges entre groupes sociaux (voir Lévy-Strauss, Mead, Bateson ou Mauss) ; les moyens que ceux-ci se donnent (monnaies, langages vus comme processus « judiciaires », le Droit, la Technique ou la Technologie et la Science, utilisés pour produire de la Recherche ; des arts (au sens ancien) qui sont libératoires comme l’Astronomie, la Géométrie, la Logique, la Médecine, la Pharmacie, la Gastronomie… et des beaux-arts. Pour comprendre le réel, l’Homme a eu également recours à la spiritualité c’est-à-dire à une élévation de réceptivité et de pensée qui puisse permettre de mieux saisir notre place dans l’univers. En d’autres termes, ce qui permet de lui donner un sens. La Philosophie entre dans ce cadre, au même titre que ce qu’on entend généralement par ‘spiritualité’, puisqu’il s’agit d’avoir des niveaux de lecture de plus en plus élevés du Réel. M. de Peretti cite l’exemple du Judaïsme, qui offre quatre niveaux d’interprétation de la Thora : élémentaire, historique, exégétique et secret (ou hermétique) tout en obligeant le croyant à exercer sa liberté d’esprit critique.
Conclusion de ce point : il existe un sens du Sens !

4. « LE PIRE N'EST PAS TOUJOURS SÛR ! » (Claudel)

En partant de considérations diverses2 – évoquées çà et là comme un poème ordonné de Prévert – conduisant à penser que les désastres sont souvent porteurs d’innovations, voire de progrès, l’auteur suggère qu’un facteur positif existe en tout acte historique. Par exemple, de la Grande Guerre 14-18 surgirent la SDN, le BIT, le Front Populaire et3ses avancées sociales, l’idée républicaine dans une Espagne conservatrice ; et de la seconde guerre mondiale naquirent l’ONU et ses organisations (UNICEF, UNESCO, FAO…), le baby boom, les 30 glorieuses, la décolonisation, l’essor des sciences et des techniques, l’avènement des démocraties, l’Union Européenne, etc… Du tréfond des souffrances naît souvent l’espoir, l’Histoire rebondit, tout comme a rebondi l’Évolution après chaque grande extinction. Ceci nous incite à garder un œil positif sur le devenir. Nourri de ce sentiment il songe ainsi aux intuitions fulgurantes de Teilhard de Chardin, brancardier à Verdun en 1916.

5. LES AUDACES DU DEVENIR (l’Évolution tend vers une Involution)

André de Peretti développe ici sa pensée sur le devenir du monde et de la civilisation, dans l’optique de la complexité chère à Edgar Morin – cf. La vie de la Vie, la nature de la Nature, etc… À l’aune des remarques précédentes, l’auteur tente donc d’envisager quelques facteurs déterminants pour notre « devenir » :
La mondialisation est bénéfique pour l’individu, générant une montée généralisée du bien-être matériel et des conditions de vie, du développement économique, accompagné d’un progrès technique et scientifique… même si cela n’est pas toujours démocratique.
Dissipant les frontières, elle fait surgir de nouvelles entités inter ou transnationales (FMI, G7, G8, G 20, OMC…), de nouvelles puissances économiques, concurrentes de l’UE et des USA (Brésil-Russie-Indes-Chine), dont le développement accéléré n’est pas sans risques ; ceux-ci, qu’ils soient écologiques, sociaux ou économiques, engendrent eux-mêmes (par leurs effets) diverses instances de régulation (Sommets de  Rio, Cancun, Copenhague, Protocole de Kyoto, G20, GIEC…).
Les échanges en tous genres du courant néolibéral – suite à l’effondrement de l’URSS – augmentent la compétivité et la puissance d’action des groupes économiques, y compris leurs risques technologiques. Mais d’un autre côté ça fait aussi foisonner les relations, crée une demande accrue de solidarité. De même le besoin universel de justice s’accroît-il des dérives autoritaires, dogmatiques ou maffieuses. On peut dire aussi que les grandes pandémies modernes (SIDA, grippes aviaire et porcine…) activent partout l’éthique sanitaire.
Pareillement, les dégâts collatéraux du développement d’empires économiques engendrent des initiatives régionales ou même locales (micro-crédit), la sauvegarde du patrimoine et de la culture sous toutes ses formes.
En somme, s’il y a une incontestable montée des risques sur la planète, ceux-ci sont accompagnés d’un besoin universel de régulation… et la régulation elle-même s’effectue en maints domaines  C’est un facteur rassurant qui vient tempérer le pessimisme ambiant.

 

Recension de la conférence, extrait de http://www.groupe-teilhard.org/helice.html
par Jean-Paul Sibbille

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